DEPUIS samedi dernier, les vannes d’El-Kamour ont repris du service. L’activité de pompage de pétrole au niveau de cette station et des champs pétroliers situés dans le dé- sert du gouvernorat de Tataouine était suspendue depuis le 17 juillet dernier à cause des mouvements de protestation. Au terme d’un accord avec le gouvernement, les sit-inneurs ont permis aux sociétés pétrolières la reprise de leurs activités.
Mais quels que soient les points convenus pour mettre fin à une mobilisation qui a bloqué la production de pétrole, porté préjudice aux recettes de l’Etat et aux investisseurs étrangers et creusé davantage le déficit de la balance énergétique, il ne s’agit que d’un calme précaire qui va régner dans la région avant que de nouvelles protestations éclatent avec de nouveaux acteurs et de nouvelles revendications. Les exemples ne manquent pas. La gestion de la crise du bassin minier depuis 2011 a adopté la même approche. Conséquences : la CPG est en grande difficulté, a perdu des marchés, on importe du DAP pour le secteur agricole et la liste des revendications ne cesse de s’allonger.
Le problème, c’est qu’avec chaque gouvernement, l’ascenseur de l’adrénaline monte au plafond avant de retomber aussitôt dans les caves de sa passivité. Sans vouloir jouer aux trouble-fêtes, cet accord ne mènera nulle part, sauf à permettre aux laissés-pour-compte dans les autres régions de s’engouffrer dans la brèche. Certes, l’option d’envoyer une délégation composée de ministres dans les régions prouve la détermination des pouvoirs publics à aller combattre le mal sur le terrain.
Il n’empêche que cette démarche, qui relève d’une gestion sérieuse des problèmes qui bloquent le développement régional et vise à permettre la mise en œuvre des engagements pris au niveau régional, nous laisse perplexe.
Car on a du mal à croire que la nouvelle équipe gouvernementale aura subitement trouvé le feu sacré de l’action que ses prédécesseurs n’ont pas trouvé pendant 9 ans. De plus, ce gouvernement a débarqué à un moment où les caisses de l’Etat sont vides et où la pandémie de Covid-19 sévit dans le pays et a déjà ébranlé ce qui reste de son économie.
Les derniers événements qui ont secoué plusieurs régions à l’intérieur du pays et dans les banlieues de Tunis où les manifestants réclament le droit au travail ont montré que le risque était sur la table et que les forces centrifuges n’ont jamais été aussi nombreuses qu’aujourd’hui dans le pays. Ces manifestations récurrentes viennent à point nommé pointer du doigt la dure réalité des régions laissées à l’abandon. D’où l’urgence de placer le débat dans un cadre plus large, car le développement et la lutte contre le chômage ne sont pas uniquement l’affaire de l’Etat mais de tous les acteurs concernés par la croissance économique, par la sécurité et la stabilité sociopolitique. Car ce n’est pas uniquement du bien-être de nos concitoyens qu’il s’agit mais aussi de l’avenir du pays qui se joue à travers l’emploi.
En effet, dans un dialogue sur une question aussi délicate, on ne s’attend pas à ce que tous les intervenants barbotent dans un bain de miel. Mais l’on s’attend à ce que les arbitrages aboutissent à la recommandation de ce qui est le plus immédiatement traduisible, transposable, car un accord ne suffit pas pour calmer les ardeurs et panser toutes les plaies.